L’EUROPE, UNE NOUVELLE FOIS AU PIED DU MUR

 

Face à la crise sanitaire, l’Europe a pris un mauvais départ. La santé relevant de la compétence  des Etats membres et non de l’Union, il ne pouvait qu’en être ainsi, dit-on. C’est négliger le fait que la coopération inter-gouvernementale, les trois libertés de circulation (biens et services, capitaux, personnes) avec Schengen et, plus généralement, le simple esprit d’entraide devraient constituer la boussole essentielle entre Etats partageant le même destin.

Bien sûr, les structures sanitaires, sociales et politiques diffèrent d’un pays à l’autre et l’uniformité n’est pas forcément la meilleure formule à prescrire. Il n’empêche que chacun a opté – et continue à le faire – pour une réponse proprement nationale à la crise sanitaire. Dans le message qu’Angela Merkel a adressé à ses concitoyens sur la crise, l’Europe ne figurait pas.

Contaminée, l’Union européenne va-t-elle sortir guérie et immunisée de cette épreuve ou trépassera-t-elle ?

Pour l’heure, elle essaie de faire bonne figure et de réagir de manière plus coordonnée. Après un raté à l’allumage, la BCE a mis en place ou a complété un dispositif pour aider États et entreprises à amortir le choc économique et financier. Bien entendu, les plafonds de déficit et d’endettement ont été levés (pouvait-il en être autrement ?). Le Pacte de stabilité est mis entre parenthèses, sans être oublié. Dans un cadre ainsi changé en profondeur, chaque État s’efforce de répondre, à sa manière, aux risques de faillite des entreprises, de défauts de paiement, de chômage massif.

Tâche redoutable car la situation est bien plus complexe qu’en 2008. Il ne s’agit plus seulement de débloquer des liquidités, de rétablir la confiance dans les institutions financières pour que les circuits bancaires fonctionnent, de soutenir la conjoncture par des plans de relance… Il faut prévenir un délitement du système financier mais surtout une paralysie et une dislocation de l’appareil productif avec les perturbations des chaînes de production et le confinement généralisé.

Le sommet à distance de jeudi 26 mars sera révélateur, par ses dits et non-dits, du degré de cohésion des 27 face à ce tsunami sanitaire, économique et géopolitique. Face à l’urgence, on peut penser que l’image envoyée sera la bonne. Mais les discussions de ces derniers jours entre ministres de finances montrent cependant que les positions traditionnelles – découlant d’intérêts nationaux non alignés – n’ont pas disparues.

Douze ans après, l‘Union Européenne ne s’est jamais vraiment remise d’une crise issue d’un virus monétaire venu d’outre-Atlantique et qui s’est répandu dans le monde.

L’Europe a tenu bon mais au prix d’une accentuation des disparités, des déséquilibres, des tensions, en son sein. Ils peuvent encore s’accentuer à la sortie de la crise et frapper l’Europe dans sa raison d’être. Pour démentir ce mauvais pressentiment et faire d’un mal un bien, l’Europe a besoin d’un leadership ouvert et accepté. En jouant collectif et inclusif, la France peut être en mesure de le provoquer et de l’assumer avec tous ceux qui y sont prêts. C’est le défi immédiat.

 

Serge DEGALLAIX
Directeur général de la Fondation Prospective et Innovation