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Publications

La Chine et les BRICS : quel destin commun ?

Date de parution : 08 novembre 2012

Colloque de la Fondation Prospective et Innovation
Palais des Congrès du Futuroscope

Les actes du colloque sont publiés ce 7 novembre 2012 aux éditions Gingko et disponibles en librairie du prix de 10€. On en trouvera ci-dessous le plan, l’introduction et la conclusion.

(…) Alors qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale — hier — les Etats Unis à eux seuls comptaient pour la moitié de la production mondiale, et l’Occident pour plus des deux tiers, cinq pays alors comparativement très arriérés fournissent acruellement 27% d’une production mondiale aujourd’hui de beaucoup plus importante qu’alors, et concourent aux 2/3 de la croissance mondiale, au point de mettre sérieusement en question le primat de l’Occident au cours du présent siècle.

Ce renversement en cours rebat toutes les cartes, et invite à une réflexion prospective à l’échelle de l’innovation qu’il représente : celle d’un changement global. Ce changement n’a pas encore de formes ni de contours bien définis, justement parce qu’il est en cours. Mais il a déjà un nom, ou plutôt un blason, que lui confère l’émergence récente du concept de BRIC, acronyme de « Brésil, Russie, Inde, Chine », forgé dans cet ordre pour sa puissance de slogan facile à mémoriser et propager : on pense à des briques, building bricks, ou encore à ces vaisseaux légers de cabotage qu’étaient les bricks, bienvenus pour faire pièce aux «blanches caravelles» des conquistadors de jadis. Le souci d’y inclure tous les continents a étoffé l’acronyme d’un S pour l’Afrique du Sud, poids lourd de l’Afrique, détail qui montre que l’attractivité du concept, elle même portée par la dynamique initiale de la trouvaille verbale qu’était l’acronyme, précédait et engendrait presque la réalité ainsi désignée. Il reste qu’une fois nommés, les BRICS se révélèrent former une réalité, à leurs propres yeux pour commencer, et constituer un cadre dans lequel développer une perspective. Nomen est omen… C’est l’objet du colloque que d’apprécier la consistance, la teneur, et la portée dans l’avenir, de cette réussite sémantique en passe de se muer en force  géopolitique.

Dans la veine des six précédents colloques, cette approche des BRICS se fait en contrepoint avec la Chine. Cette continuité cependant souligne une évolution profonde des perspectives au fil des sept ans ainsi jalonnés : au départ, c’était la Chine, objet vivant non identifié, qu’il s’agissait de scruter à partir de repères aussi solides et familiers que la France, l’Europe, les Etats Unis, etc. Voici qu’à la lumière de cette montée des BRICS au firmament, c’est un peu l’inverse qui se produit, en ce sens que la Chine désormais bien connue et solidement établie en situation d’étoile polaire qui sert de repère pour chercher à comprendre la configuration naissance que désigne cet acronyme dont elle est partie prenante.

A ce simple détail, on peut mesurer l’ampleur du changement que connaît le monde : le temps n’est déjà plus de jauger les évolutions depuis notre repaire tenu pour immuable et éternel, mais d’aller chercher dans ce que nous observions hier en train de bouger le point de repère pour évaluer des transformations encore plus vastes. Avant même que le colloque ne commence, cette observation liminaire aurait à elle seule de quoi faire réfléchir les Français, encore persuadés dans leur immense majorité que l’Île flottante sur laquelle ils dérivent sans s’en rendre compte est l’ombon immuable du monde. C’est à une illusion de ce genre que la Chine avait dû, au XIXè siècle, de subir cruellement le magistère de l’Occident…

 

1 CHINE ET BRICS, QUELLE RÉALITÉ INTERNATIONALE?

Table ronde entre MM
Jean-Paul BETBÈZE, Chef économiste du Crédit Agricole
Bertrand BADIE, professeur à l’IEP de Paris et
Pierre VIMONT, Secrétaire Général exécutif du service européen d’action extérieure

1.1 Une émergence plus impressionnante que prévu

1.2 D’un rapprochement des croissances à une proximité croissante

1.3 Comment traiter avec une constellation encore en devenir?

 

2 QUEL NOUVEAU MONDE : MULTIPOLAIRE, OLIGOPOLAIRE OU APOLAIRE?

Table ronde entre MM
Alexis LAMEK, Directeur adjoint des Nations Unies au MAE
Vadim LUKOV, ambassadeur de Russie chargé du G8 et des BRICS
Pierre DEFRAIGNE, Directeur exécutif de la Fondation Madariaga-Collège de l’Europe

2.1 Pluralité d’approches bilatérales ou stratégie d’ensemble?

2.2 D’une rubrique statistique à l’esquisse d’une communauté : un agenda pour un dessein?

2.3. De Bric à Brac, de quoi les BRICS sont ils le symptôme?

 

3 LES BRICS VUS PAR UN GRAND GROUPE : LAFARGE
Communication de M. Bruno LAFONT, PDG de lafarge

 

4 LA CHINE ET LES GRANDS ÉMERGENTS : CONCURRENTS OU PARTENAIRES?

Table ronde entre MM
Yves Saint Geours, Ambassadeur de France au Brésil
Seyfettin GURSEL, professeur à l’Université de Bacesehir
suivie d’une intervention de
S.E. M. Cheng Tao, Vice-Président de l’INstitut des Affaires Etrangères du Peuple Chinois

4.1 Vers plus d’imbrication ?

4.2 Cinq BRICS peuvent en cacher un autre…

4.3 Du bon usage des BRICS : une force bienfaisante en pleine affirmation

 

5 LES BRICS, LA FRANCE ET L’EUROPE, QUELLE POLITIQUE?

Table ronde entre MM
Jean Baptiste MATTEI, Directeur Général de la mondialisation au MAE
Dominique MOÏSI, conseiller spécial à l’IFRI
Grégoire OLIVIER, Président Asie de PSA

5.1 Coopérer avec les BRICS

5.2 Une culture d’espoir

5.2 Prendre le chemin des BRICS

 

VI QUE CONCLURE?
André CHIENG  et Jean-Pierre RAFFARIN

La seule chose bien assurée, c’est que les BRICS sont le lieu d’une croissance continue de proportions impressionnantes en raison de leur taille. Cela ne peut qu’aboutir à leur conférer un rôle accru.
Quant au reste, on mesure que l’ensemble ainsi désigné est composite et complexe, qu’on le saisit par diverses approches sans que celles-ci se combinent en un tout bien défini : est-ce la partie visible de l’émergence, l’ensemble des nouvelles classes moyennes, le cheval de Troie destiné à emporter la citadelle des nations rentières, ou la belle aventure de cinq doigts qui se découvrent former une main? Qui a accouché de cette instance? Jin O’Neill pour l’état civil, Vladimir Poutine pour la délivrance, les amours sulfureuses de Deng Xiaoping et du capitalisme débridé pour la conception, les propositions fusent… La grille de lecture occidentale laisse perplexe, tant la complexité de l’objet s’y transpose en complications.
On note d’énormes différences entre les cinq pays, par exemple entre la tradition démocratique indienne (que partagent les deux autres membres de l’IBSA, Brésil et Afrique du Sud) et le despotisme éclairé présent dans les annales de la Russie? Avec la Chine, cette dernière s’oppose à l’ambition des trois autres de siéger au Conseil de Sécurité ne qualité de membres permanents. La Chie ne s’entend pas avec l’Inde sur la définition d’une frontière commune, et elle est en conflit avec tous les autres dans la compétitivité commerciale. Bien que de fortes convergences se dessinent à la faveur d’une volonté manifeste de coopérer, le point de fusion est trop loin d’être atteint entre les divers composants de cet amalgame pour qu’on puisse y voir un alliage. Aussi voit-on les diplomaties continuer à traiter les cinq composantes chacune pour elle-même, sans méconnaitre leurs affinités déclarées. Selon qu’on croit aux BRICS ou pas aujourd’hui, on croit ou pas à leur avenir en tant qu’ensemble.Somme toute, si les BRICS se pensent comme la vague du futur, c’est encore dans un futur vague.

Tel est peu ou prou le regard occidental sur le sujet.

Le regard chinois voit autre chose. Il a appris de Lao Tseu que « Le Tao qui se dit le Tao n’est pas le véritable Tao», et qu’on ne trouve pas la vérité des BRICS en scrutant la vérité des BRICS. Moyennant cette précaution qui donne l’accès via le détour, on s’avise que peu importe la création, c’est le procès qui compte. La seule question qui vaille est celle de savoir comment l’évolution sera gagnante — gagnante pour tout le monde. Conciliant les oppositions dans une sorte de diplomatie du grand écart, les BRICS sont le lieu d’une dialectique, qui produits quoi qu’il en soit d’importants effets indirects, obligeant chacun de leurs partenaires à s’interroger sur soi même et à s’éveiller à son tour, comme la fameuse Chine prédite par Alain Peyrefitte dès 1974.
Dès lors, délaissant la question de savoir si les BRICS ont un Secrétariat Général ou pas, on décèle des mouvements d’ampleur tectonique quoique de degré modeste. Non seulement on voit toute une palette de petites transformations discrètes produire une grande transformation silencieuse, mais cette dernière s’annonce comme une ambition à son tour pour le moment modeste, pour ferme qu’elle soit, de transformer la puissance économique engrangée en influence politique à semer, puis en responsabilités à moissonner plus tard. Cette ambition à longue portée prend le temps de se définir, de se chercher, de se tester au gré des occasions, et dans l’intervalle s’en tient à un effort sincère pour faciliter la transition du XIXè au XXIè siècle, que le XXè aura tardé à accomplir. Il ne s’agit en définitive que de déplacer un signe dans l’idéogramme du numéro des deux siècles, le I passant de sa prison entre les deux X (XIX) vers les espérances d’une position d’ouverture après lesdits deux X (XXI), mais pareil déplacement bascule l’univers entier des destins humains.
C’est bien l’occasion de songer que la pensée chinoise excelle à ménager à l’esprit ses libertés : alors que les latins appelaient « res » une chose, et qu’ils y attachaient une très grande densité d’évidence substantielle, la chose étant là, consistante en soi et pour soi, le chinois nomme la même chose 东西, c’est à dire « Est-Ouest », suggérant par là qu’entre un côté et son opposé il y a probablement quelque chose que l’expérience saura révéler.
Ainsi des BRICS, qui, s’ils ne sont pas une chose bien réifiée, sont certainement, entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, entre haut et bas, et participant de toutes ces dimensions, en un mot un prometteur 东西.

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Informations pratiques

  • Format : 12x20 cm
  • Éditeur : Ginkgo
  • Nombre de pages : 120
  • ISBN : 978-2-84679-217-2
  • Prix : 10€
  • Version : Papier
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